📖 FIN 📕
Je viens de terminer un roman. Un roman qui m’a pris du temps – et aussi la tête. Un roman qui m’a permis d’apprendre à me connaitre et surtout, à me connaitre en tant qu’écrivain : j’ai découvert différentes méthodes d’écriture ; différentes routines. J’ai appris à comprendre ce que ça veut dire d’écrire pour un lecteur. J’ai appris ce qu’était une intrigue qui se tient ; un personnage avec du relief ; une narration percutante. J’ai appris tout plein de concepts de théorie littéraire. Et surtout, surtout, j’ai appris à me relire, à émettre un jugement sur mon propre travail – et ça, c’était pas gagné ! 👨⚖️
C’est en octobre 2022 que j’ai quitté mon emploi rémunéré pour cet autre, non payé et tout aussi prenant, si ce n’est plus. Je me suis donné un an – j’ai finalement mis un an et demi. J’avais des idées plein les poches, des envies plein la bouche, une fleur à mon stylo et je me suis lancé dans l’écriture. Je souhaitais faire une fresque sociale, un roman avec trois destins qui s’entremêlaient, des points de vue croisés, de la critique politique, une allée avec plein de grandes statues.
Puis je me suis mis à écrire et là… Ho pétard. Comment dire. Les relectures m’ont laissé un goût amer en bouche. J’ai commencé à tourner en rond. 😵💫 A culpabiliser dès que je n’écrivais pas. A culpabiliser quand j’écrivais un peu. A culpabiliser quand j’écrivais mais que je n’étais pas assez concentré. Quand j’écrivais, que je trouvais ça bien, puis que dix jours plus tard je trouvais ça affreux. Puis quand je reprenais tout à zéro et… Bref. J’ai commencé à culpabiliser tout le temps. A me sentir nul.
Je me suis égaré dans les marécages du retour sur soi. A force d’être face à mon texte, à écrire mes idées, à me juger, toute la journée moi face à moi-même, à force de regarder mon reflet dans le miroir, je suis entré dans une spirale de cogitations. J’ai perdu le plaisir d’écrire, pour finir par ne plus voir que cette myriade de qualités qui me faisaient défaut et dont l’absence ferait de moi un écrivain raté. Je me suis senti seul – une forme particulière de solitude, purement intellectuelle.
👯 Car je n’étais pas seul. 👯 Au contraire, j’étais entouré par tout plein de personnes que j’aime et qui m’aiment. Des personnes qui me soutiennent pour la plupart, des personnes parmi lesquelles j’ai trouvé des interlocuteurs et interlocutrices pour parler de mon travail.
Alors pourquoi ce sentiment d’enfermement sur moi-même ?
Avec le recul, je crois que c’est mon incapacité à prendre du recul sur mon travail qui m’a pesée. J’ai mis du temps à comprendre que mon roman était mal structuré. Que mes personnages ne tenaient pas. Les versions se sont enchainées, avec toujours, dans l’une ou dans l’autre, quelque chose qui ne marchait pas. Mais je ne trouvais jamais quoi exactement ! 🧐 Et j’en devenais fou. Et déprimé.
Des outils littéraires 🧰
Toute personne qui s’est déjà lancée dans la création d’un récit structuré le sait : la tâche peut s’avérer titanesque et bien souvent solitaire. Or, toute la question est : comment faire pour sortir de cette boucle centrée sur soi-même ? Comment faire pour inclure son oeuvre dans une pensée constructive, qui n’est pas polluée par de vieilles rengaines de culpabilité et de dépréciation (entre autres) ?
Pour ma part, je suis persuadé que la réponse tient dans l’acquisition d’outils qui nous sont extérieurs et amènent un tant soit peu d’objectivité dans notre jugement critique. 🌬️🪴
Grâce à un copain, j’ai découvert des concepts qu’on appelle la dramaturgie et la narratologie, la théorie littéraire, qui permettent de construire des règles et des méthodes, des outils pour critiquer avec objectivité la qualité d’un récit. Ca a été un déclic.
Avec Arrêt sur Page, je souhaite partager ce que j’ai appris. Je souhaite montrer que l’activité d’écrivain est un métier, qui s’apprend comme les autres ! 🧑🚀👷🧑🚒🧑🍳
C’est tout de même fou de penser qu’il existe les conservatoires pour la danse et la musique, les cours pour les arts dramatiques, les beaux-arts pour les arts plastiques et… aucun établissement pour l’écriture ? Pourtant la littérature est remplie de bases théoriques, qu’il serait utile de connaitre.
Et qu’on ne vienne pas me dire que la connaissance des règles s’opposent à la créativité. Il suffit seulement de savoir comment se positionner par rapport à elles.
Prenons un dessinateur de génie qui n’aurait aucune notion de la perspective. Afin de continuer à progresser, arrivera nécessairement un moment où, de deux choses l’une : soit il se verra contraint d’apprendre les règles de perspective établies – pour ensuite, pourquoi pas, s’en émanciper s’il le souhaite ; soit créer son propre système de perspective par rapport à ce qu’il observe chez les autres peintres, c’est-à-dire créer son propre système de règles par rapport à un système qu’il a observé ailleurs.
Dans les deux cas, dépasser son intuition brute passera par la confrontation à un système de règles théoriques. C’est le fait de connaitre ces règles qui permettra de s’en émanciper. Elles nous donnent les fondations nécessaire pour sortir de nous-mêmes. Elles sont des outils qui sont la condition sinequanone d’une dialectique avec son oeuvre (en gros, une réflexion constructive).
L’objectif d’Arrêt sur Page est de vous fournir ces règles, en vous expliquant comment les mettre en pratique. L’approche est avant tout pédagogique, avec une visée précise : vous permettre de juger votre propre travail et, plus largement, la qualité de tout récit littéraire.
Les conseils du sensei qui vit dans le laurier sauce 🐒
Au départ de cet article, j’ai failli écrire : “Arrêt sur Page a pour objectif de vous éviter de galérer” mais… c’est faux. Je ne veux pas vous éviter de souquer ferme. Tous les développeurs vous le diront: on n’apprend pas à coder en lisant des manuels Python. Il faut mettre les mains dans le cambouis 🔩 ! Il faut s’entrainer, faire des exercices, échanger avec des personnes, comprendre comment on peut optimiser son code, échouer, reprendre...
C’est pareil avec le roman – certes avec des mots français et moins de jolis Flappy Birds à la fin, mais avec tout autant de questions existentielles et une impression constante de ne jamais y arriver.
Or, l’équilibre entre effort et épuisement est fragile. A force de se manger des murs, on finir par se faire des bobos. Alors on ne peut plus rentrer dans le mur comme avant. On boite. Puis on perd confiance. Et on désespère. Et après on pleure… Et voilà.
C’est là qu’Arrêt sur Page intervient ! Je serai votre paquet de Kleenex et votre livre de classe – en même temps oui, il parait que la démarche est à la mode !
Afin d’illustrer mon propos, construisons une belle métaphore – notre première figure de style dans cette charmante newsletter. Fermons les yeux et imaginons un plongeoir de 15m de haut. Ton rêve, c’est de devenir le ou la meilleure plongeuse qui saute du haut de cette minuscule planche de plastique, qui surplombe ce bassin ridicule, bleu et blanc. 🏊🏊
Tu as 4 options :
Option A : tu te dis que tu es vraiment trop bête, que tu vas juste te blesser, alors tu rentres de ce pas chez toi et tu manges des Lutti sous ton lit et tu pleures parce que Claude a pécho Domi.
Option B : tu montes sans hésiter sur la planche, tu t’en fiches, quitte à finir comme les anguilles de Maïté. Après ton 18ème plat, tu ressembles à Patrick l’étoile de mer sus-illustrée. Tu n’as même plus de larmes pour pleurer quand Claude pécho Domi.
Option C : tu demandes à tous les grands de la piscine comment ils font pour sauter, tu les écoutes se vanter, tu ricanes, tu poses plein de questions, vraiment plein et puis, mince, la piscine ferme, alors tu reviens le lendemain et tu refais la même chose, puis tu reviens le lendemain, et puis le surlendemain encore, et puis, à force, tu deviens un.e adulte, tu te dis que les rêves c’est vraiment pour les gosses immatures et tu votes Eric Ciotti et tu passes au rouge à vélo en insultant les piétons qui osent traverser quand le petit bonhomme est vert et tu finis en enfer. Claude a épousé Domi.
Option D : tu demandes des conseils au vieux sensei qui vit dans le laurier sauce au bout de la pelouse. Il t’indique qu’il faut d’abord sauter du 1m avant de t’attaquer au 3m puis au 15m. Tu le remercies et tu te lances. Comme tu es nul.le, tu arrives quand même à te rater sur le 1m mais tu ne lâches rien. Tu continues. Tu places le plongeon. Et même le salto ! Puis tu t’attaques au 3m ! Les gens lèvent les yeux vers toi. La foule se lève ! Puis le 15m !!! Toute la piscine applaudit !! C’est fantastique !!! TU Y VAS !!! TU SAUTES !!! ET…….. SECOND POTEAU PAVAAAARD !!! CHAMPION .NE DU MOOOONDE !!!! ⚽️🥇🏆🍾
DOMI SE JETTE DANS TES BRAS, C’EST MERVEILLEUX, C’EST LE PLUS BEAU JOUR DE TA VIE !!! 🥇🏆🍾🥂
Moi si j’étais toi je choisirais l’option D
Pourquoi ?
Parce que le sensei qui vit dans le laurier sauce t’a offert la clé de la réussite : il t’a apporté des conseils que tu avais la capacité de mettre en pratique. — Et pour ça, on dit merci au sensei du laurier sauce – “merci sensei du laurier sauuuce”. Voilà, c’est bien. 🐒
Ce qui peut paraître une lapalissade tient dans l’emboitement entre pratique et théorie. Cette idée est applicable à globalement tout dans la vie : s’essayer sans avoir aucune idée du comment faire s’avère souvent risqué – je ne dis pas impossible. Simplement risqué. Ce n’est pas avoir de l’audace que de foncer tête baissée. – A l’inverse, c’est en manquer que de s’en tenir à la théorie pure. Or, c’est l’alliance entre théorie et pratique qui permet de passer d’une compréhension purement intellectuelle à une compréhension qui serait plus intuitive, corporelle.
💩 Petit instant théorie-avec-les-mains 💩 : j’aime bien penser qu’on a deux niveaux de compréhension en nous. Un purement intellectuel, que je comprends mais que je ne “sens” pas. Et l’autre qui est une compréhension corporelle, une compréhension qui confine à l’intuition : quelque chose se débloque et soudain, on sent. Toutes les techniques de méditation se basent sur ce constat. Il n’y a pas de mot pour définir ce niveau de compréhension. On peut apprendre des mots de vocabulaire et des règles de grammaire dans une langue étrangère, on a beau les savoir intellectuellement, cela ne suffit pas. Il faut qu’arrive ce miracle où les règles s’agencent les unes avec les autres, les briques forment une maison – et nous parlons.
Non au fantasme de la souffrance 🤕
Je me souviens : il y a trois ans, je m’étais rendu dans une librairie pour la remise des prix d’un concours de poésie. Sur place, quelques hommes et femmes, dont plusieurs déjà publié.e.s, discutaient devant un comptoir, entouré.e.s de livres. Intimidé, je m’avance, je me fraie un chemin, j’échange quelques mots. Puis une autrice m’adresse la parole. J’ai découvert plus tard qu’elle était publiée chez Gallimard – la classe à Dallas –, mais même sans le savoir, je suis impressionné. Elle est accompagnée d’un homme qui m’explique travailler comme consultant le jour et écrire le soir de 23h à 2h du matin.
– Et toi, t’écris quand ?
Je lui explique que j’écris quand je peux, c’est-à-dire pas tous les jours. Il lève un sourcil et, en substance, m’explique que je ne dois pas vraiment être un écrivain car je n’ai pas le besoin vital d’écrire. L’autrice à côté approuve…
Bon. Autant annoncer de suite que je m’essuie désormais bien fort les pieds sur ce genre de conceptions. Marre de la figure fantasmée de l’écrivain.e comme un être solitaire, marqué.e du sceau d’une béné/malédiction depuis sa naissance 👁️ , habité.e par une sorte de démon intérieur qui hanterait son esprit et le.a pousserait à écrire de jours comme de nuits, des mots vomis par paquets sur la page – cette description correspondant, de manière générale, au cliché de l’artiste, particulièrement en France.
Considérer l’Art sous l’angle du travail est beaucoup plus fertile que d’inventer un mythe selon lequel certaines personnes seraient nées atteintes d’artisterie !
Pour plagier Erasme : on ne nait pas écrivain : on le devient 🗣️ , en cultivant une vision du monde. En s’exerçant. En apprenant. Tout comme on ne nait pas boulanger. Ni footballeur. On le devient, à force d’arroser une graine qui a été déposée là par hasard (et cela vaut pour les grands sportifs, les grands artisans, … – cf. la théorie des 10 000 heures de pratique, développée dans Outliers: The Story of Success, par Malcom Gladwell).
Je crois qu’aborder l’art sous cet angle est salvateur. Certes, de la fatigue peut se dégager de ce temps passé sur un seul et unique sujet. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut faire de la souffrance une condition nécessaire de la création. Nous avons la chance de vivre dans un monde où il n’a jamais été aussi facile de créer. Profitons-en pour laisser de côté les poètes maudits !
✍️ Il existe mille manières de devenir écrivain.e, chacun.e a le droit de trouver la sienne ! 🪡
Arrête-toi un moment avec nous 🍱
Machiavel écrivait :
Il y a trois sortes d'esprit. Les uns entendent par eux-mêmes ; les autres comprennent tout ce qu'on leur montre ; et quelques uns n'entendent, ni par eux, ni par autrui. Les premiers sont excellents, les seconds sont bons, et les derniers inutiles.
Bon. Si ce n’est pas très Charlie comme formulation, ça a le mérite d’être clair. En l’occurence, je considère que je ne fais pas partie du premier type de personnes — ni du troisième (mais ça reste à voir). Il faut qu’on m’explique pour que je comprenne les choses.
Arrêt sur Page nait de mon envie de partager des enseignements que j’aurais pris plaisir à découvrir lorsque j’ai commencé à écrire ; d’offrir un espace d’échanges et de partage aux auteurs et autrices, pour se sentir moins seul.e.s ; de proposer des clés pour ouvrir des portes qu’il nous reste à identifier.
Bref, d’ouvrir des horizons, le temps d’une page (ou plus).
Vous voulez vous arrêter un moment avec nous ? 🌻🍂⛄️🌷
Et n’hésite pas à partager !
Bisous 💋
J aime bcp : on ne naît pas écrivain on le devient 😍
C'est top . Un reel plaisir que de te lire